Commandant-aviateur Dieudonné de Laubier mort au combat au cours d'une mission de guerre
le 14 mai 1940 à Sedan.
Circonstances
Le 1er septembre 1939 l'Allemagne envahit la Pologne et le Royaume-Uni, suivi par la France, déclarent la guerre à l'Allemagne. Pendant les 10 mois de la "drôle de guerre", il ne se passe quasiment rien sur le front de l'Ouest. Le 10 mai, le gros des forces allemandes envahit par surprise la Belgique, le Luxembourg et la Hollande tandis que 10 divisions de Panzers traversent rapidement les Vosges boisées en direction des Ardennes. A l'abri d'une poche conquise par surprise le 13 mai sur la rive gauche de la Meuse à Gaulier, faubourg de Sedan, les pontonniers allemands construisent dans la nuit du 13 au 14 un pont de bateau par où, dès 6h du matin s'engouffre la 1ère Panzer. Le Haut commandement français, stupéfait de voir le front percé au quatrième jour de l'offensive là où on ne les attendait pas, décide en catastrophe d'envoyer le 14 mai toutes les forces de bombardement de l'Armée de l'Air disponibles avec pour objectif de détruire ce pont de bateau de Sedan.
Général Hanz Gudérian observant le passage de la Ière Panzer sur le pont de bateau de Gaulier
Chacun des treize Groupes de Bombardement existants en 1940 sont formés théoriquement de deux escadrilles de quatre avions auquel on ajoute ceux du commandemant soit 13 avions ; au total 170 bombardiers. En réalité 65 sont prêts à entrer en action et 104 autres ne sont pas encore opérationnels à quelques heures ou détails prêts. 43 des 65 vont s'envoler le 14 mai vers Sedan et après plusieurs abandons (pannes réelles ou déclarées ou refus d'obéir à un ordre suicidaire, 36 vont aller sur Sedan. Ce sont : à l'aube 9 Bréguet 693 modernes des GB I/54 et GB II/54, un peu plus tard, seulement 5 des GB I/12 et GB II/12 équipés des modernes LeO 45, ensuite vers 13h 10 bombardiers de nuit du GB I/34 et II/34, équipés d'Amiot 143 auxquels se joindront un certain temps 6 autres Amiot 143 du GB II/38 pour finir à la nuit tombée avec 6 des GB I/15 et II/15 équipés de bombardiers de nuit Farman 222 obsolète.
Présence à Sedan du Bombardement français le 14 mai 1940 : 9 Breguet 693 (modernes) à l'aube, 5 LeO 45 (modernes) à mi-journée, 16 Amiot 143 (obsolètes) à mi-journée et 6 Farman 222 (obsolètes) la nuit tombante
Au lieu des 170 bombardiers équipés d'avions modernes de notre plan de bataille, cette mission ne sera effectuée que par 14 bombardiers modernes, mal complétés par 22 anciens bombardiers réservés aux opérations de nuit. Mais le plus surprenant de cette situation est qu'à la suite d'une fausse information lancée par le IIème Bureau de la IIème Armée d'Hutzinger (colonel Lacaille) affirmant que le pont de bateaux à Sedan est détruit, l'État-Major décide de modifier l'objectif initial au tout dernier moment pour les GB12 (5 Léo45) et GB 34 (16 Amiot 143) et désigne comme objectif la zone d'attente au delà de la Meuse des 10 Panzers du général Gudérian. Les chefs de corps vont en effet décrypter les télégrammes suivant :
Télégrammes à Trinité (pseudo du lieutenant-colonel Aribaud du GB38), Tripoli (pseudo du colonel François du GB34) et Songe (pseudo du colonel Lefort du GB12) : Texte du premier à 9h45 : "Exécuter mission prévue sur la Meuse de Sedan. Ponts de bateaux sur la Meuse démolis. Insister sur la zone Sedan,Givonne, Bazeille et la Meuse. Passez à 12h15 sur le terrain de la Fère-Courbe. Texte du second à 10h50 : "Opération prévue limitée au nord de la Meuse. Nous tenons le village de Pont-Maugis"
Le comportement du commandant de Laubier
Son Amiot 143 n°118 avec lequel il vient d'effectuer une mission dans la nuit du 13 au 14 mai, est indisponible : un obus de la Flak à faussé son empennage et donc sa conduite. Rentré difficilement à 4h du matin, il se fait réveiller à 9h et apprends l'ordre d'effectuer une mission de jour au dessus de Sedan. Surpris par cet ordre d'effectuer une mission de jour avec des bombardiers de nuit mais comprenant l'importance et la gravité de cette situation, il estime qu'il doit la remplir avec ses hommes. Il utilise une voiture pour se mettre au dernier moment en travers de l'Amiot n°56 de son subordonné le lieutenant Vauzelle qui roulait déjà pour prendre place dans la formation. Il fait descendre un des cinq membres d'équipage et prend la place de chef de bord. Conçu en 1931 et fabriqué entre 1935 et 1937, l'Amiot 143M volant à moins de 300 km/h, avait été laissé sur place par l'évolution rapide de la technologie aéronautique et cessé d'être fabriqué. Ces modèles devait être remplacés par de modernes AMIOT-350, mieux armés et volant deux fois plus vite et les premiers exemplaires de ce bel appareil arrivaient un par un depuis le 10 mai sans toutefois être immédiatement opérationnels.
Positionné en queue de la formation de combat du GB 34, son avion fut touché par la FLAK allemande entourant le pont de bateaux de Glaire, faubourg de Sedan, et s'abattit 900 mètres plus loin sur le plateau de Floing. Le commandant de Laubier, le lieutenant Vauzelle, le sergent-chef Occis furent tués et les sergents Ankaoua et Gély purent sauter en parachute. Ce fut la seule perte au dessus de Sedan du bombardement français au cours de la journée du 14 mai 1940. Un LeO 45 du GB I/12 qui allait aussi sur Sedan fut abattu par la chasse ennemie 10 km avant d'y arriver : deux des quatre aviateurs purent sauter en parachute mais le sous-lieutenant Hugot et l'adjudant-chef Leroy furent tués dans l'explosion au sol de l'appareil.
Récits de la mission du 14 mai
1942 : L'Escadre invisible Ceux du Bombardement de nuit de Roger Labric (Éditions Chantal - mai 1943) qui retrace l'action du GB 9 du 10 mai 1940 à sa dissolution le 24 août 1940. Citation de la page 45 : "Pour ne pas changer, le Commandant de Laubier décollera à la tête de ses équipages, à bord de l'avion Amiot 143, n° 56. Le n° 118, son avion habituel étant indisponible par suite du changement de son empennage".
1945 : Équipages dans la Fournaise (Flammarion - 1948) par le Général René Chambe. Récit romancé jusqu'à l'absurde de la mission du 14 mai 1940 au chapitre IV. Deux exemples. Imaginant que le commandant de Laubier prends la place de mitrailleur arrière supérieur, ce que conteste le témoin Robert Ankaoua qui était précisément à cette place, et tandis que l'avion est en perdition, il écrit : "Sur qui tire Laubier ? Sur quels adversaires ? Sur le ciel ou sur le sol ? Qu'importe, il tire !". Pire encore : le commandant de Laubier et le lieutenant Vauzelle se seraient fait des politesses pour savoir qui sauterait le dernier !
1968 : Désobéissance (éditions du Seuil - 1968) de Casamayor. C'est le nom de plume de Serge Fuster (1911-1988), magistrat et écrivain français. Il a écrit une vingtaine de livres, principalement des essais consacrés à la justice. Il écrit des tribunes remarquées pour le journal Le Monde. En 1940, Serge Fuster est lieutenant-aviateur au GB 38/I du Groupement de Bombardement n°10 sous les ordre du Lieutenant-Colonel Aribaud. Il raconte dans un roman "DESOBEISSANCE" (Le Seuil 1968) le refus du commandant du Groupement 10 de bombardement de nuit (38/I et 38/II) encore équipés des vieux Amiot 143 comme la GB 34, d'obtempérer aux ordres donnés pour cette mission suicidaire.
1971 : Revue Icare (Printemps-Eté 1971 : 1939-1940 La Bataille de France III) :
- Éditorial du rédacteur en chef, Jean Lasserre (page 31) : "La personnalité du commandant Dieudonné de Laubier "éclaire comme un symbole ce numéro d'ICARE consacré à ceux du Bombardement".
- Une Mission Sacrifice, Détruire les ponts de la Meuse, par le colonel Jean Veron (page 122). Capitaine du GB 34/I, il est le 14 mai à 13h en tête de la formation des 10 bombardiers de nuit Amiot 143 des GB I/34, II/34 et GB II/38 qui va à Sedan : Son article reprends les termes du compte-rendu très détaillé qu'il rédigea à son retour.
- Le 14 mai à Sedan par Robert Ankaoua (page 128) : Navigateur radio de l'Amiot n° 56 du GB 34/II qui part le 14 mai sur Sedan, il raconte comment le commandant de Laubier arrêta l'Amiot qui roulait, pris la place de commandant d'avion. Il fut l'un des deux aviateurs qui purent sauter en parachute et rend dans cet article un hommage très émouvant à son chef. En 1941, prisonnier de guerre échappé, il écrira à la veuve du commandant de Laubier une longue lettre décrivant en détail la mission. Il fut le témoin exceptionnel de cette mission du 14 mai et resta très proche de la famille de Laubier avec laquelle il revisita en 2010 l'endroit du cimetière de Floing où il atterrit en parachute et fêta en 2014 son entrée dans sa 100ème année.
1984 : Article du pilote Philippe Brondet (cliquez ici) dans le Bulletin des
Ailes brisées de janvier 1984.
1985 : Article Le bombardement Français sur la Meuse, le 14 mai 1940 par Philippe de Laubier , fils du commandant paru dans la Revue Historique des Armées n° 160 en octobre 1985. C'est au début des années 1970 que le SHAA (Service Historique de l'Armée de l'Air, aujourd'hui fusionné dans le Service Historique de la Défense) à Vincennes, à l'époque dirigé par le Général Charles Christienne puis par le Général Lucien Robineau, autorisa exceptionnellement un des fils du commandant de Laubier à consulter des archives encore fermées de 1940. Cela lui permit, non seulement de consulter toutes les pièces des dossiers conservés, mais encore de retrouver et rencontrer les principaux protagonistes de cette journée à commencer par Ankaoua et Gely qui sautèrent de l'Amiot 56 en parachute, les deux chefs d'Escadrille sous les ordres du commandant de Laubier : Grimal et Debrabant, ainsi que Véron, chef du GB I/34 et les chefs d'escadrille des GB I/38 (de Contenson) et II/38 (Marie). Il rédigea en 1975 un compte rendu de ses recherches qu'il remis au directeur du SHAA et adressa au président Henri Michel président du "Comité d'Histoire de la IIème guerre mondiale" qui le mit à disposition des historiens.
C'est d'un commun accord que les généraux Christienne et Robineau prirent l'initiative au début des années 80 de faire paraître ce compte rendu sous forme d'un article dans la Revue Historique des Armées et demandèrent à Philippe de Laubier d'en rédiger le texte et de le signer.
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C'est ainsi que paru en octobre 1985, avec de nombreuses photos issues du SIRPA AIR sous le n° 160 de cette revue, l'article : " Le bombardement Français sur la Meuse le 14 mai 1940" dont vous pouvez lire les 14 pages ci-après :
Cet article qui montrait l'héroïsme de la plupart des combattants mais aussi les décisions inadaptées au plus haut niveau, la lâcheté de certains aviateurs et l'attitude surprenante du Lieutenant-Col Aribaud, chef du GB I/38, provoqua une diatribe entre un des jeunes officiers du groupe concerné devenu général et l'auteur qu'il accusa de "déshonorer" l'Armée de l'Air. Il exigea du général Robineau l'insertion dans un prochain courrier des lecteurs de la RHA d'une longue lettre de protestation. Après consultation de deux anciens chefs d'État-Major de l'AIR, la Revue Historique des Armées et le général Robineau décidèrent de rejeter cette demande inappropriée. Ce fut le seul incident et on verra ci-après que cet article a été considéré par des historiens comme une contribution utile à la compréhension de cette journée cruciale du 14 mai 1940.
A la suite de quoi la Base aérienne 901 de Drachenbronn ayant demandé au SHAA de lui trouver un "parrain", le général Robineau proposa les noms de trois aviateurs exemplaires dont le Commandant de Laubier qui fut finalement choisi. Dieudonné de Laubier fut le "parrain" de cette base de 1991 à sa fermeture en 2016.
1986 : La revue militaire Terre-Air-Mer fit paraître sur deux pages une BD réalisée par le dessinateur Simon-Marienne.
1990 : Les Français de 1940, tome II (NRF, Gallimard - 1990) : l'historien Crémieux-Brillac décrit cette mission cruciale de l'aviation française.
- Pour détruire les ponts de Sedan
Lucidité, conscience professionnelle, dévouements retrouvent dans la journée charnière du 14 mai 1940 où le secteur de Sedan achève de s'effondrer : tout concourt à ce que les drames individuels s'y conjuguent au drame militaire, y compris le choix ou le refus de l'obéissance passive. Sous l'image d'Épinal transparaît, dans le détail des petits faits, le tableau, plus complexe et plus heurté qu'on ne l'a dit, d'un corps d'élite durement éprouvé. Il faut s'y arrêter.
Dans la soirée du 13 mai, le haut commandement, alerté sur la gravité de la situation au sud de Sedan, a prescrit deux contre-mesures : une attaque coup de poing de la 3' division cuirassée pour réduire la poche ennemie au sud de la Meuse - attaque qui n'aura pas lieu - et l'intervention de toute l'aviation alliée contre les ponts que lancent les Allemands à Sedan, avant tout contre le pont de bateaux de Gaulier. "La victoire ou la défaite passent par ce pont", téléphone Billotte. La R.A.F. attaque la première avec deux vagues d'avions à 4 h 30 et 6 h 30 du matin. Entre-temps, on a mobilisé le ban et l'arrière-ban de l'aviation française. Elle n'a que 65 bombardiers disponibles, dont 27 avions modernes aptes aux opérations de jour et 38 appareils anciens réservés aux opérations de nuit ; parmi ces derniers, 27 appartiennent à la fin de série des Amiot 143 qui volent à 275 km/h. D'Astier a prévu d'excepter les vieux et lents Amiot. Vuillemin, a-t-il indiqué par la suite, lui a prescrit de les envoyer aussi. Toute l'aviation française doit donc aller à Sedan. Les réactions, dans les unités, combinent curieusement les réticences et l'esprit de discipline. " Les Amiot, de jour ? s'exclame le capitaine Véron, commandant du groupe GB 34/1. Nos équipages sont braves mais ils n'ont pas vocation au suicide ni à la palme du martyre. Est-ce sans appel ? - Oui. - Dans ce cas, vous pouvez compter que chacun fera son devoir ". Véron n'a plus que cinq avions disponibles. Il prend sur lui de décider que trois seulement partiront : il pilotera l'un, ses chefs d'escadrille piloteront les deux autres. Son homologue au GB 34/2, le commandant Dieudonné de Laubier, estime "impossible d'ordonner aux équipages d'y aller sans partir avec eux."
Au GB 38, le lieutenant-colonel Aribaud décide, malgré l'ordre contraire du général Escudier, de prendre la tête de l'un de ses groupes. Survient alors une péripétie qui pouvait changer bien des choses : à 9 h 45 et à 10 h, deux messages téléphonés de l'état-major annoncent que les ponts sur la Meuse de Sedan sont détruits. Fausse nouvelle de source britannique que vient de confirmer l'état-major de la II'armée. En fait le pont de bateaux assemblé par les Allemands à Gaulier est intact et les chars allemands le traversent depuis six heures du matin. L'opération vers Sedan est donc limitée en conséquence à la rive nord du fleuve : "Insistez sur la zone Sedan-Givonne-Bazeille". Ainsi, contrairement à la légende, les groupements 9 et 10 vont aller bombarder non pas les ponts de bateaux, mais une zone de 20 km à l'est de Sedan où se concentrent les blindés allemands. Dans la confusion de cette journée, l'ordre suicidaire d'envoyer les Amiot de jour à basse altitude n'est pas révoqué. Alors que les chefs de groupe pouvaient comprendre que l'on mobilise, même dangereusement, l'aviation de bombardement contre des ponts de bateaux par où se ruait l'ennemi,ils reçoivent - pour la plupart vingt minutes avant l'envol - à la fois la confirmation de leur engagement et les messages qui changent l'objectif.
Le colonel Aribaud et le commandant de Laubier
Ici se place un épisode singulier qu'un ancien de la 38 escadre, connu depuis sous son nom de plume de Casamayor, a fait revivre dans un livre également singulier intitulé Désobéissance. Le groupement d'Amiot 38/2, dont le lieutenant-colonel Aribaud a décidé de prendre la tête, manque le rendez-vous avec la chasse. Dans le récit de Casamayor, "le colonel" (qui n'est pas nommé), manque exprès ce rendez-vous parce qu'il trouve absurde l'ordre qui envoie ses équipages "en mission de sacrifice". [...] Le colonel expliqua le rendez-vous manqué par une distraction de sa part et une erreur du navigateur. L'État-Major y vit une dérobade. "Ou va l'Armée, dit un témoin, si l'exécution des ordres n'est plus assurée ?". Aribaud, sévèrement jugé par ses pairs, failli y perdre son commandement.
[...] Le commandant Dieudonné de Laubier est allé, lui, à Sedan. Saint Cyrien catholique, homme de devoir et de tradition, il y est allé de son libre choix. Il avait toutes les raisons de ne pas partir, car son avion de retour de mission, était inutilisable. Les témoins nous le montrent arpentant l'herbe du terrain de Nangis avec un de ses officiers, évoquant " les divisions, les faiblesses et les imprévoyances qui, depuis des années, minent la capacité de résistance française". A 11 h 25, les moteurs tournent, les équipages sont à leur poste : il fait descendre un sous officier d'un appareil et prend sa place. [...] Le commandant de Laubier n'est pas revenu de Sedan.
L'historien indique en note 1 page 663 que son récit "doit beaucoup" à un document anonyme déposé au Comité d'Histoire de la IIème guerre mondiale, intitulé : L'Activité de l'aviation de bombardement le 14 mai 1940. Il s'agit du compte rendu des recherches effectuées au SHAA à la fin des années 70 par un fils du commandan dont un exemplaire avait été remis au SHAA et un autre au Comité d'Histoire de la IIème guerre mondiale dirigé par Henni Michel. Ce même document sera transformé en un article que fera paraître, à la demande du SHAA et sous la signature de Philippe de Laubier, la Revue Historique des Armées n° 160 en 1985.
1990 La revue Pionniers des Vieilles tiges fit paraître un article de son rédacteur en chef Jean Giclon.
1997 Michel Bénichou, rédacteur en chef de la revue Les fanas de l'aviation fait paraître au n°132 sur 15 pages abondamment illustrées une monographie très documentée sur l'AMIOT 143 intitulée AMIOT 143 : Les sacrifiés de la première heure où est longuement évoqué la mission du 14 mai 1940 sur Sedan.
Vers 2000 Biographie du commandant de Laubier par le colonel d'Aviation Henri Guyot paru dans la revue
Traditions-air.
Jean-Dieudonné de Laubier s'est engagé pour la durée de la première guerre mondiale en octobre 1914 à l'âge de 17 ans et 3 mois. A la fin de 1917, après 41 mois de présence au front, dans le corps des Crapouillots, il a obtenu quatre citations. Officier en février 1918, il rejoint en septembre l'aviation militaire. Après la guerre, il réussit le concours de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr et rejoint à sa sortie, en 1923, le 32ème régiment d'aviation. Breveté observateur puis pilote d'avion en 1924, il effectue le parcours suivant au sein de l'aviation militaire puis de l'Armée de l'Air : commandant d'escadrille en 1935, commandant de groupe à la 38ème escadre de bombardement en 1938, commandant du groupe de Bombardement II/34 à partir du 6 janvier 1940. Le commandant de Laubier força son destin plusieurs fois : D'abord, en novembre 1940 : en cours de transformation pour l'aviation de chasse à Caen-Carpiquet, il demanda à être affecté immédiatement au front dans une spécialité qu'il connaissait bien. Il fût ainsi affecté en janvier 1940 comme commandant du groupe de bombardement II/34. Puis, le 13 mai 1940 : après une attaque de la ville de Rochefort en Belgique, il ramena son vieil Amiot 143 à Nangis, l'empennage complètement déchiqueté par un obus. Enfin, le 14 mai 1940 : ce jour-là, le commandant de Laubier ne devait pas voler ; il rentrait de mission et son avion n'était pas disponible. Mais, au moment où ses équipages partaient pour une mission de sacrifice, il arrêta l'Amiot 143 n° 56 qui roulait déjà et en prit le commandement. Et c'est sereinement, conscient des risques, qu'il assuma ainsi son rôle de chef. Le commandant de Laubier était chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur. Il était décoré de la Croix de guerre (5 étoiles avec palme), de la Croix du combattant volontaire, de la Médaille commémorative 14-18 et de la Médaille interalliée. Il a également obtenu nombre de citations : à l'ordre du régiment en 1915, à l'ordre de la division en 1916, à l'ordre de l'artillerie en 1917, à l'ordre général du Xième corps d'armée, à l'ordre de la 4ème brigade du Maroc, et enfin à l'ordre de l'armée aérienne en 1940 : Officier supérieur, pilote observateur de la plus haute valeur morale et militaire. Commandant de groupe payant de sa personne, toujours prêt à prendre la tête de ses équipages pour toutes les missions de guerre. A effectué plusieurs reconnaissances profondes de nuit dont une le 13 mai 1940, qui lui permit de rapporter des renseignements précis malgré un violent tir de la défense antiaérienne adverse. Le 14 mai 1940, a participé au bombardement à basse altitude d'éléments blindés ennemis. A trouvé la mort dans l'accomplissement de sa mission. Cette citation comporte l'attribution de la Croix de guerre avec palme. Le commandant de Laubier est tombé pour la France et devient le symbole des combattants qui ont alors sauvé l'honneur.
Commémorations
1970 La plaque commémorative érigée à Dugny-Le Bourget dans les années 1950 indiquant les morts pour la France de la 34ème escadre est transférée à la Base Aérienne 117 (bd Victor) au siège de la Cité de l'Air. En 2014, le commandement de cette Base à fait inscrire ces plaques dans le site "Chemins et lieux de Mémoire" du Ministère de La défense.
22 juin 1987 à Metz Frescati : inauguration en présence de la famille du Commandant de la Salle de conférence "Commandant de Laubier" à la Base aérienne tactique de la 1ère Région Aérienne située dans la Base aérienne 128 de Metz-Frescati. Cette Base ayant été fermée en 2011, le grand portrait du commandant de Laubier qui ornait cette salle de réunion du FATAC a été transféré la BA 901 de Drachenbronn.
20 Mai 1990 à Sedan : cérémonie militaire au lieu où l'avion s'est abattu 50 ans auparavant, présidée par le général Robineau, chef du Service historique de l'Armée de l'Air. Inauguration d'une stèle par le Maire de Sedan au pied de la croix marquant la chute de l'avion.
29 août 1991 à Drachenbronn : Suite à l'ordre du jour du 26 août 1991 signé du général Lartigau commandant la FATAC de la 1ère région aérienne, attribution du nom de tradition "Commandant de Laubier" à la base aérienne 901 de Drachenbronn (Alsace). Jusqu'à sa fermeture en 2016, la BA 901 a régulièrement commémoré son parrain en présence de membres de la famille du commandant.
Le 7 septembre 1998 a été inaugurée à la Base aérienne 901 de Drachenbroon une exposition des souvenirs du commandant de Laubier par le général Guéniot, commandant la Région Aérienne Nord-Est.
Le 14 mai 2010 à Sedan : des descendants du Commandant de Laubier et Robert Ankaoua (95 ans, seul survivant à cette date de l'équipage de l'Amiot) entouré de sa famille, ont commémorés le 70ème anniversaire de l'évènement autour de la croix et la stèle qui marque la chute de l'avion, en présence du Capitaine Lévêque, officier de tradition de la BA901 qui a rappelé les circonstances de la mort du commandant de Laubier.
2012 samedi 12 mai à Sedan : Le souvenir Français (présidé par Jean-Paul Secret) et la Mairie de Sedan ont commémoré la mémoire du Commandant de Laubier et de deux membres de son équipage au nouvel emplacement de la croix et stèle déplacées par les soins de la Mairie sur le domaine public (à proximité du cratère fait par la chute et l'explosion des bombes de l'avion sur le plateau de Floing) hors du jardin privé où elle n'était plus accessible.
Octobre 2014 Le ministre de la Défense annonce que la Base Aérienne 901 fermera dans le cadre des économies budgétaire. Dissolution de la Base le 17 juillet 2017.
Musée de Sedan Les souvenirs du commandant de Laubier exposés à la Base 901 ont été rendus à sa famille qui les a proposés à la Mairie de Sedan en vue d'être exposés au futur musée municipal. Ils ont été remis le 18 mai 2019 à Madame Karine LOISON, responsable à la Mairie de ce projet. Celle-ci a fait paraître en mai 2020 un article décrivant en détail ce dépôt. Ce musée va être finalement le lieu de mémoire de ce soldat engagé en 1914 à 17 ans, sorti sous-lieutenant en 1918, Saint Cyrien en 1924 et choisissant de faire carrière dans l'armée de l'AIR, commandant en janvier 1940 le groupe de bombardement II/34. Il est mort au cours d'une mission dramatiquement importante puisqu'elle était destinée à l'origine à détruire le pont de bateaux construit dans la nuit du 13 au 14 sur la Meuse de Sedan et par où passait depuis l'aube la 1ère Panzers du corps d'armée commandé par le général Gudérian.
Remarquons que le soir du 14 mai 1940, l'audacieux plan Manstein qui avait donné corps à cette intuition tactique d'Hitler de réaliser un Sichelschnitt (coup de faucille) du front français dès le début de l'attaque, en plein centre de la ligne de défense adverse, est en passe de réussir avec cette percée de Sedan. Le lendemain 15 mai, Paul Reynaud téléphone à Churchill : "Nous sommes battus, la contre-attaque menée contre les Allemands à Sedan a échoué. La route de Paris est ouverte. La bataille est perdue". Il aura donc suffi de cinq jours de campagne aux forces allemandes pour transpercer un front continu que les stratèges français jugeaient inviolable et gagner en quelques semaines la campagne de France de mai-juin 1940 contre une des plus forte armée du monde.
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